L’aimant à opportunités

Quand des collègues partagent avec moi leur incertitude sur la suite de leur carrière professionnelle, je leur conseille souvent de se choisir une étiquette, à laquelle ils seront désormais associés. « Celui qui pose toujours la question qui fâche », « celle qui est passionnée par la créativité des enfants », « celui qui sait tout sur les derniers jeux vidéos », « celle qui connait les bons endroits où aller diner », « celui qui adore parler plan de carrières », etc. Une fois que cette étiquette est choisie, il faut se comporter d’une manière qui confirme cette étiquette aux yeux des autres : en parler souvent, poser des questions sur ce sujet, avoir une nouvelle anecdote à raconter.

Ca parait très artificiel, mais c’est très naturel quand le sujet vous intéresse particulièrement. Il s’agit juste de gonfler un peu le trait, pour s’assurer que les gens le remarquent, et s’en souviennent.

Ce qui m’a toujours surpris, c’est que la plupart des gens sont très réticents à cette idée. Ils ne veulent pas être catalogués, cantonnés à un domaine précis, enfermés dans un espace restreint. Ils ont l’impression d’être, à juste titre, des êtres complexes, et n’aiment pas savoir qu’ils occupent une case dans l’esprit des autres, bien trop petite pour résumer leur richesse interne.

Je comprends ce sentiment. C’est douloureux pour l’ego.

Je me demande si la métaphore de l’étiquette est la bonne. Peut-être que celle d’un aimant serait plus facile à accepter. A mes yeux, la motivation principale pour être étiquetté dans la tête des gens, c’est pour découvrir des opportunités que nous ne voyons pas. Si je suis passionné par la création de jeux, et que tout mes proches le savent, c’est très probable qu’ils penseront à moi lorsqu’ils verront un article sur ce sujet, ou tomberont sur une offre d’emploi qui inclut cette compétence, ou discuteront par hasard avec un créateur de jeux. Cette association sera d’autant plus forte que mes proches sont sûrs et certains de mon centre d’intérêt, et qu’il n’existe personne autour d’eux qui soit autant passionné que moi.

A l’inverse, si l’image que mes amis ont de moi est celle de quelqu’un qui, comme tout le monde, est gentiment intéressé par les voyages, la photo, les restaurants, le sport et le cinéma, aucun de ces sujets ne sera fortement associé à moi.

D’où la métaphore de l’aimant. Vous avez la possibilité de choisir quel type d’opportunités vous souhaitez attirer. Et plus le type d’opportunités sera précis et restreint, plus grande sera la force de votre aimant. En d’autres termes, votre aimant à opportunités sera très puissant s’il se concentre sur très peu de choses.

Récemment encore, j’en ai fait la preuve. Ayant compris que la formation était une sujet vers lequel je voulais doucement m’orienter, j’ai réalisé qu’il fallait que je devienne meilleur à la prise de parole en public. Et j’ai donc commencé à diffuser cette information. A des amis, à des collègues, à des connaissances, à des inconnus, j’ai expliqué que je cherchais à m’améliorer dans ce domaine.

Immédiatement, j’ai vu l’aimant agir. Mon cercle est régulièrement revenu vers moi avec un livre à lire, une conférence à envisager, un contact cherchant des intervenants, une mise en relation avec un expert en prise de parole. Sans rien faire de particulier, l’aimant agit. Et il agit parce qu’il se concentre sur ce seul sujet.

Evidemment, ma vie est plus complexe que ça. Et mon quotidien ne se compose pas uniquement de moments passés à plancher sur ce sujet. Mais, pour l’instant, c’est à ça que j’emploie mon aimant. Et quand j’aurais atteint mon objectif, ou que j’aurais plus d’opportunités que nécessaires, il sera toujours temps de braquer mon aimant sur autre chose.

Croire que la qualité des opportunités qui nous tombent dessus n’est qu’une affaire réseau, ou de hasard, est une manière de se dédouaner de toute responsabilité. « Je ne connais pas les bonnes personnes » = tout est contrôlé par d’autres. « Je n’ai pas de chance » = rien n’est contrôlable.

Je ne crois ni en l’un, ni en l’autre. Je crois qu’on peut fortement influencer le flux d’opportunités qui nous passent devant. A condition d’avoir choisi celles qui sont importantes pour nous, et donc, celles qui le sont moins, et que l’on sacrifie au passage.


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